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Publié le
07/2021

La quête de sens au travail

Quête de sens, une question qui a gagné en importance depuis la crise

Avec la crise sanitaire de la Covid-19, la question du sens au travail a pris une nouvelle importance. « Avant la crise, une minorité de Français (11%) considérait que le sens de son travail pouvait être la cause d’un certain mal-être. Ils sont maintenant un Français sur deux (55%) à réfléchir sur le sens de leur travail, voire de son utilité depuis le début de la pandémie. »[1] La revalorisation de certains métiers autrefois mal perçus, comme les professeurs, les métiers du « care »et la distinction entre les métiers dits « essentiels » et les autres, ont poussé les Français à se questionner sur leur propre métier et a créé une véritable remise en question chez certains.

Aussi, la quête de sens au travail est rapidement devenue un enjeu essentiel dans les préoccupations des Français. C’est pourquoi il est particulièrement alarmant de lire que « Seul plus d’un salarié sur dix (13%) trouve du sens dans leur emploi »[2]

On parle beaucoup de télétravail et de nouvelle organisation au travail, des évolutions nécessaires pour le« monde d’après ». Mais encore au-delà de ces changements organisationnels, c’est l’utilité sociale et la valeur travail dans son ensemble qu’on interroge ici.

 

Quête de sens, définition

La quête de sens au travail reste une notion assez floue car intrinsèquement subjective. Il faut toutefois la distinguer de la qualité de vie au travail ou du bien-être salarié car elle revêt des caractéristiques encore plus larges. La quête de sens au travail implique de se sentir utile au sein de l’entreprise ainsi que de participer à un projet global ayant un impact positif sur la société en général.

En parallèle de cet intérêt nouveau pour la quête de sens, est apparue la notion de brown-out. Cette notion s’ajoute à la liste des mots clefs de la souffrance au travail, avec notamment le tristement connu burn-out et le bore-out. Le premier décrit un épuisement physique et psychologique créés par des exigences au travail impossibles à tenir pour le salarié (en termes de quantité de travail, de pression à gérer ou encore de rythme). Le second décrit quant à lui l’épuisement professionnel causé par l’ennui. En anglais, brown-out désigne une coupure d'électricité, une panne de courant, un « manque de jus ». Ce concept décrit donc un salarié sans jus, à l’arrêt et sans motivation, parce qu’il ne comprend plus son travail, il ne parvient plus à donner sens à sa tâche. Plus encore, certains considèrent que leur travail est contre-productif ou à l’opposé de leur volonté ou de leurs valeurs. Ces salariés sont alors victimes d’une intense et pénible démotivation.[3] Ce phénomène illustre bien l’importance nouvelle de la quête de sens au travail.

 

L’entreprise et quête de sens, responsabilité et intérêt

De plus en plus de salariés pensent que les entreprises ont un rôle significatif à jouer dans le bonheur et l’épanouissement de leurs équipes. « 90 % des salariés jugent essentiel (55 %) ou important (35 %) que leur entreprise « donne un sens à leur travail » et 85 % estiment essentiel (38 %) ou important (47 %) qu'elle leur permette « de se sentir utiles aux autres » d’après un article des Echos de 2020.

En outre, elle a tout intérêt à s’en préoccuper parce que des collaborateurs motivés et engagés sont bien plus performants que des salariés désengagés ou découragés. Or, la perte de sens au travail est la cause principale du brown-out, particulièrement préjudiciable pour l’entreprise, en plus des dégâts humains. Aussi, l’entreprise qui se préoccupe de donner du sens à ses salariés, travaille par la même occasion à les fidéliser et les motiver.

Plus encore, cela améliore la marque employeur et permet de recruter les nouveaux talents beaucoup plus facilement, notamment auprès de la jeune génération, particulièrement attentive à ces questions ; bien qu’ils soient maintenant loin d’être les seuls à s’en préoccuper.

 

Le travail, une valeur mouvante, perspective historique

L’action de travailler n’a pas toujours été aussi valorisée qu’aujourd’hui. En effet, durant l’Antiquité, seuls les esclaves exerçaient cette activité au sens d’un travail« productif », là où les citoyens occupaient leur temps à d’autres activités, non censées participer à la production de richesses. L’essor du protestantisme au 16ème a marqué un véritable tournant dans le sens donné au travail puisqu’on l’associe à des valeurs de réussite et d’ascétisme. Le travail prend une dimension spirituelle. L’avènement du capitalisme au 19ème puis du libéralisme au 20ème, finit de donner au travail la place centrale qu’il occupe aujourd’hui.[4]

 

La « valeur travail » aujourd’hui et demain

En effet, le travail occupe aujourd’hui une place centrale dans la vie des Français. Il est synonyme d’indépendance et d’émancipation, et octroie un statut social au travailleur.« L’emploi stable est aujourd’hui constitutif de notre identité sociale, notamment parce que par lui ont été conditionnées rémunération et protection sociale. »[5] Il donne accès à des liens sociaux, seules relations sociales pour certains. Il permet l’épanouissement personnel et suscite le respect des autres. Il permet aussi à une échelle plus globale le progrès social et économique. Le travail est donc au fondement de nos sociétés néolibérales. Face à la montée de l’individualisme, les liens sociaux entretenus au travail sont devenus essentiels et relèvent à présent de la responsabilité sociale des entreprises. "Le travail est aussi la principale arène où on montre ses capacités, on apporte son utilité et on participe à la construction de nouvelles réalités", complète la sociologue Dominique Méda[6].

C’est pourquoi d’un côté des gens s’enferment dans des emplois qui ne font plus sens à leurs yeux : pour préserver tous les à côté du travail (statut social, relations, respect…) et de l’autre côté, la raison pour laquelle il est si douloureux pour eux de ne pas y trouver d’intérêt ou d’utilité.

Cette valeur travail était encore pertinente dans les années 1970 où 80%[7]de la population active étaient en CDI. Aujourd’hui, avec l’émergence de l’intérim, de l’uberisation ou encore du chômage de masse, le travail prend des formes bien plus variées. Le livre Bullshit Jobs de l’anthropologue David Graeber théorise notamment la perte de sens par la multiplication des « jobs à la con » intrinsèquement vide de sens. Ces « jobs » se seraient massivement développés ces dernières années notamment suite à l’institutionnalisation du capitalisme financiarisé et seraient constitués de nombreux emplois qui n’apportent aucune utilité sociale au monde. Ces jobs seraient donc les premiers à l’origine des mal-être comme le brown-out et la sensation de perte de sens.

 

Pour l’avenir, veiller à donner du sens à ses salariés

La crise sanitaire a permis à beaucoup de salariés de se rendre compte de cet enjeu, jusqu’alors encore sous-jacent dans les préoccupations. Pour beaucoup, il en vade la responsabilité des entreprises de donner du sens à ses employés. Cela passe notamment par un management plus humain et des modes de travail plus collaboratifs et flexibles. Il s’agit également d’être à l’écoute des salariés pour prévenir d’éventuels bore-out, burn-out ou brown-out et pouvoir travailler à y remédier. Une meilleure communication sur les valeurs de l’entreprise, la prise en compte de chaque partie prenante, la responsabilité sociale de l’entreprise ou encore la veille à l’équilibre entre la vie personnelle et professionnelle sont autant de pistes qui peuvent redonner du sens là où il a été perdu.

En outre, selon la philosophe Simone Weil, pour être libre, le travailleur doit s’approprier son travail. Il doit ainsi en faire le centre de sa vie social et spirituel et cela passerait notamment par moins d’heures travaillées au sens strict du terme mais plus d’heures d’échanges avec les collègues.

 

Focus : Le télétravail et la valorisation des moments au bureau pour redonner du sens

Concrètement, le télétravail et les nouvelles organisations au bureau (flex office, bureaux partagés) sont des mesures qui peuvent faire une grande différence. Avec d’un côté le télétravail, qui permet un meilleur équilibre entre vie personnelle et professionnelle (selon 64% des salariés[8]),de l’autre, une valorisation des moments passés au bureau. Il ne s’agira plus pour le salarié d’aller machinalement au bureau pour ensuite s’enfermer et travailler seul toute la journée pour finalement rentrer chez lui. Au contraire, les moments au bureau se faisant plus rares, il faudra les valoriser plus amplement, les rendre attractifs et leur donner plus du sens. Il s’agira par exemple de moments d’échanges et de partages d’idées, de collaboration et de co-construction entre les salariés.

 

Finalement, la crise de la Covid-19 aura été un puissant révélateur de maux latents de la société française. Les Français sont nombreux à s’être interrogés sur le sens et l’utilité de leur travail. Et ils sont malheureusement trop nombreux à avoir le sentiment d’avoir perdu en utilité sociale, et souffrent de plus en plus de ce manque de sens. Si cela peut passer par un changement personnel comme le changement de carrière ; pour beaucoup de salariés, il en va de la responsabilité de l’entreprise d’accompagner ses collaborateurs dans leur quête de sens. Cela peut passer par un dialogue plus approfondi entre les parties prenantes, par une réorganisation de la vie au travail, par le rééquilibrage entre la vie personnelle et professionnelle… Autant de pistes pour l’entreprise, qui gagnerait assurément à veiller à donner du sens au travail à ses salariés, surtout si elle veut s’assurer leur fidélité, leur motivation et leur engagement.  

 

 

Sources

Vairet, F. (2020, 15 mai). Pour 6 jeunes sur 10, la crise a eu des répercussions sur le sens qu’ils accordaient à leur travail. Les Echos Start.

HR Voice, (28 mai 2020). Les Français inquiets de retourner au travail, et soucieux de trouver du sens dans leur emploi

Nagard, G. L. (2020, 11 novembre). Bullshit job, perte d’intérêt. . . les salariés en quête de sens dans leur travail. Capital.fr.

Périnel, Q. (2017, 9 novembre). Le « sens au travail » ou la quête du graal des salariés français. LE FIGARO.

Fed Finance. (2020, 17 décembre). La quête de sens au travail, un nouvel enjeu majeur ?

Aurore Le Bihan et Lucie Chartouny (2021). Le guide des paumé.e.s, Editions Marabout

Institut Sapiens, (2020). Quel avenir pour le télétravail ?


[1] Les Echos, Florent Vairet,15 mai 2020

[2] HR Voice, (28 mai 2020). Les Français inquiets de retourner au travail, et soucieux de trouver du sens dansleur emploi

[3]JDN (08/02.21). Brown out, définition, détection et solution

[4] Aurore Le Bihan et Lucie Chartouny, Le guide des paumé.e.s, Editions Marabout, 2021

[5]Aurore LeBihan et Lucie Chartouny, Le guide des paumé.e.s, Editions Marabout, 2021

[6] Guillaume Le Nagard, Capital,11/11/2020

[7] Aurore Le Bihan et Lucie Chartouny, Le guide des paumé.e.s, Editions Marabout, 2021

[8] Institut Sapiens, Quel avenir pour le télétravail ?, 2020

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